Dernière étape de mon voyage, Guilin. C’est une grande ville chinoise, aux allures de bazar organisé, à la population dense et à la circulation effrénée. Les boutiques rivalisent sur l’intensité de leur bande sonore, le tout associé aux klaxons incessants et vous voilà au cœur d’un énorme capharnaüm. Après Yangshuo le contraste est saisissant.

L’osmanthus quant à lui est toujours acteur du paysage, ici encore il borde les rues et les trottoirs. Perdu dans la ville, le petit arbre se mélange aux immeubles de béton et à l’odeur de pots d’échappement. Je suis venue à Guilin pleine d’espoir, la pluie a été plus abondante au nord de Yangshuo, mais malheureusement ici non plus, les fleurs d’osmanthus ne sont pas au rendez vous…

Le lendemain matin, je me rends aux abords de la ville pour visiter les plantations du ‘Guilin Tea Research Institute’, premier producteur de thé de la région du Guangxi. Nous sommes qu’à quelques kilomètres du cœur de la ville pourtant l’ambiance se veut ici beaucoup plus paisible. Les champs de thé m’entourent et au loin je peux apercevoir les fameux pics calcaires baignés dans un brouillard matinal, le paysage est saisissant de beauté.

Ma rêverie est alors interrompue par des voix et des rires de femmes entendus au loin. Je m’approche doucement et découvre un groupe de cueilleuses, submergées par la luxuriance des feuilles de thé je n’aperçois de certaines que le sommet de leur chapeau pointu. Elles se hâtent à la tâche, leurs mains graciles arrachent les feuilles de thé une à une, d’un geste vif à la fois tendre pour ne pas risquer de les froisser. Les voix de ces belles inondent la vallée, évoquent des histoires locales, encensent la beauté des lieux et déclament la joie de vivre. Je suis restée de nombreuses minutes à les observer, au rythme du soleil levant, écouter leurs rires et observer leurs gestes agiles parfaitement maîtrisés.

Je me dirige ensuite en direction de l’institut, je suis reçue par Nico, jeune chinois au visage noble et anguleux souligné par des joues rebondies et de grands yeux noirs en amande, il est goûteur de thé. Le travail d’un goûteur de thé est parmi les carrières les plus douées au monde aujourd’hui, à la manière d’un parfumeur il parcourt le monde à la recherche de nouvelles senteurs et de nouvelles saveurs.

Premier producteur mondial devant l’Inde, le Sri Lanka et le Kenya, la Chine est le plus vieux pays de thé au monde. On y cultive le thé depuis plusieurs millénaires. Le théier ou arbre à thé (Camellia sinensis) s’étend ici sur plus de 40 hectares. Il m’explique que les différentes sortes de thés (noirs, verts, blancs, oolong, etc.) ne proviennent pas de différentes espèces de théier, mais sont obtenues selon la feuille récoltée et le traitement infligé.

Lorsque le camellia atteint sa taille adulte, on récolte ses feuilles les plus tendres. Les feuilles les plus jeunes sont d’un vert plus clair, ce sont les plus goûteuses et les plus raffinées. À l’extrémité des branches se trouve un bourgeon recouvert d’un duvet blanchâtre, le ‘pekoe’, qui signifie en chinois duvet blanc et qui n’est autre que le fameux thé blanc. Les bourgeons de thé récoltés seuls sont particulièrement recherchés, réservés aux initiés du fait de leur extrême finesse. Plus on redescend sur la branche, plus les feuilles sont larges et moins le thé sera savoureux. On effectue donc plusieurs sortes de cueillette suivant la qualité recherchée. Dans la cueillette dite « impériale », on cueille uniquement le bourgeon de thé plus une feuille, dans la cueillette « fine », le bourgeon plus deux feuilles et dans la cueillette normale, le bourgeon et trois feuilles ou plus.

Nous nous dirigeons ensuite vers une salle à la décoration typiquement chinoise afin de m’initier au rituel de la cérémonie du thé. La dégustation de thé en Chine suit les règles du Gong Fu Cha. Gong Fu se dit d’une activité que l’on mène avec lenteur et maîtrise de soi. Le thé se boit traditionnellement dans un zhong (petit bol avec couvercle) ou dans de minuscules tasses elles-mêmes remplies à l’aide d’une théière tout aussi petite. Je reste éblouie devant la dextérité des gestes effectués, l’eau brûlante est transvasée d’une théière à une autre, puis rejetée, emplie de nouveau, les gouttes jaillissent, les arômes se font sentir et une fois en bouche la saveur est tout simplement sublime.

Chaque geste, la moindre position des mains, des doigts même, le nombre de gorgées… tout a une telle importance qu’une explication de cette cérémonie fera sans doute l’objet à elle seule d’un prochain article. Je profite de ce moment de dégustation pour découvrir et savourer les différentes variétés: thé noir, thé vert, thé oolong et même le thé à l’osmanthus si cher à la région. Faire et boire le thé en Chine est un véritable art, la dégustation du thé fait partie de la vie courante. Les maisons de thé ou tea house étaient très présentes en Chine jusqu’à ce que Mao les fasse fermer. Souvent confondues avec des lieux de débauche, elles symbolisaient avant tout l’échange et le divertissement. Elles reprennent aujourd’hui leurs droits dans les villes et les villages de Chine et sont en quelque sorte l’équivalent de nos cafés populaires.

Une tasse de thé vous sera toujours offerte en arrivant dans une maison en Chine en signe de bienvenue. Au delà de la politesse, c’est un signe de camaraderie, partager un moment agréable avec le visiteur est une preuve de respect. Refuser ce présent, ne serait ce en boire qu’une gorgée peut être considéré comme mal compris voir impoli dans plusieurs régions.

Je tiens à souligner le professionnalisme et la passion de mon interlocuteur qui a su me témoigner son engouement et me transmettre ses connaissances avec la plus grande humilité. J’ai ainsi beaucoup appris sur le thé, ce breuvage si important pour la Chine mais aussi pour l’Asie toute entière, où chaque pays, chaque région développe ses propres spécialités. Mais c’est véritablement ici, sur les terres de l’empire du milieu que le thé reçoit ses lettres de noblesse. De nombreuses provinces chinoises sont productrices de thé telles que Huang-shan, Fukien, Anhwei, on connait les prestigieux thés verts du Fujian, du Zhejiang ou du Jiangsu, ou encore le célèbre thé noir de la région du Yunnan… Autant de destinations où je souhaite me rendre très prochainement, des voyages, des saveurs et des odeurs que je vous ferai bien évidemment partager.

Cet article est issu du blog carnet de voyages olfactif de Christa : http://carnetdevoyageolfactif.com